En lisant la magnifique histoire de la femme samaritaine au puits de Jacob, plusieurs éléments m’ont interpellée. Le premier se trouve au verset 4, lorsque Jean précise que, pour se rendre de la Judée à la Galilée, Jésus devait traverser la Samarie. La version 1910 dit : « il fallait » qu’il passe par la Samarie. Cela exprime une nécessité, non pas géographique, mais divine. Jésus aurait en effet très bien pu s’arrêter ailleurs pour boire de l’eau. D’ailleurs, la plupart des Juifs pieux préféraient faire un détour de plusieurs jours pour éviter cette région. Mais non ! Jésus devait passer par là parce qu’un rendez-vous divin l’attendait. Il avait une mission à accomplir. Il devait rencontrer cette femme.
Plus loin dans le texte, j’ai aussi été frappée par deux autres détails : cette femme est seule, et elle vient puiser de l’eau à midi. Or, à l'époque, à cause de la chaleur, les
femmes puisaient l’eau tôt le matin ou en fin de journée, et elles le faisaient ensemble. C’était un moment de lien social. Je me suis donc demandée pourquoi cette
femme est venue à cette heure-là, seule ? À la lumière de ce que l’on découvre ensuite, il est probable qu’elle se sentait jugée, exclue, peut-être même honteuse.
Elle avait eu cinq maris et vivait avec un homme qui n’était pas le sien. Sans doute voulait-elle éviter les regards et les paroles blessantes. Ce qui me touche profondément dans cette histoire, c’est que Jésus savait tout cela. Il connaissait très bien sa vie et ses erreurs. Pourtant, il ne l’évite pas. Au contraire, il choisit délibérément de faire un détour afin de venir à sa rencontre, au puits de Jacob. Un lieu hautement symbolique, chargé d’histoire et de foi. Là, Jésus brise toutes les conventions de son époque : il parle à une femme, une étrangère moralement discréditée. Non seulement il lui parle, mais en plus il la regarde avec amour et vérité. Il lui parle du don de Dieu, de l’eau vive, de la vraie adoration. Par dessus tout, il se révèle à elle comme le Messie. Remarquons d'ailleurs que c’est la première fois dans les Évangiles que Jésus affirme aussi clairement qui il est ! Et il le fait à une femme dont on ne connaît pas le prénom, exclue, honteuse.
Quelle grâce ! Quelle ironie ! Quelle espérance pour chacun de nous !
Nous aussi, Dieu nous fait parfois passer par des « Samarie » inattendues. Des détours qui nous semblent étranges, inconfortables, voire indésirables. Pourtant, ces
lieux sont parfois précisément ceux où Dieu veut nous rencontrer, nous parler, nous guérir, nous transformer et nous envoyer ! Cela me rappelle notre propre histoire : il fallait en effet que Jean-Micaël démissionne de son poste, à Mulhouse, pour que nous venions nous installer dans la Drôme, il y a exactement 20 ans. À l’époque, nous ne savions pas qu’il s’agissait d’un rendez-vous divin. Mais sans ce « il fallait que », ResKP n’existerait peut-être pas aujourd’hui.
Ce jour-là, la femme samaritaine était venue chercher de l’eau mais, après avoir rencontré Jésus, elle laisse sa cruche au bord du puits, comme un symbole de tout ce qu’elle abandonnait : sa honte, ses fuites, sa solitude. La voilà comblée d'une toute autre eau et transformée pour devenir un témoin, une messagère, une évangéliste
en Samarie.
Alors non ! Jésus ne cherche pas des gens parfaits. Il cherche des coeurs sincères et assoiffés de le rencontrer. D'ailleurs, il ne suffit pas de l’avoir rencontré un jour. Il
faut venir boire chaque jour à la source. Jésus n’est pas juste un lieu de passage, il est le puits. Le seul. Que nous puissions tous rester à l’écoute de ces rendez-vous
divins, afin d’être rafraîchis, renouvelés, transformés et envoyés.